Quelques masques sur des visages de vies…

Ecrit par Yamina Mansour
CEM De Bouafia
Hassi Bah Bah
Wilaya De Djelfa



    Il y a  la vie « cadeau » qui  elle ne se hasarde pas à vouloir nous tomber dessus, fortuitement car il nous incombe de la choisir, de l’emballer, de la payer, puis de la garder pour toujours dans la meilleure place qui puisse exister en nous. Il  y a, en revanche la vie  « punition » qui nous choisit d’elle-même ; ou que nous choisissons  nous-mêmes, volontairement, quand nous décidons de garder en nous tous les miasmes et toutes les maladies qui accélèrent notre déchéance et notre solubilité.

    Il y a la vie « roman » que vivent, seulement les rêveurs et dont les chapitres s’écoulent en douceur comme s’écoule l’eau claire de source, dans les méandres d’un ruisseau. L’épilogue ne peut que demeurer prodigue d’avoir été maternisée, à travers le temps et l’espace par la  générosité des heures tranquilles et la manne de la chaleur d’un  soleil qui ne se serait jamais retranché, tant  généreux, sans nulle intransigeance.

    Il y a la vie «  d’embrouille » gisant dans un pèle - mêle et qui tombe dans le désordre et la discorde. A force de vouloir tout avoir,  l’on se rend compte que l’on a rien…toutes les marginalités auxquelles on s’attache maquillent notre existence de faux, à usage de faux…n’est- il pas alors, bien plus chanceux, dans ce monde qu’un aveugle noyé dans le noir, un sourd noyé dans le silence ou un fou noyé dans le déni de soi et l’inconscience ?

    Il y a la vie « fragile » qui tombe dans un carton que l’on emballe avec du papier à petites fleurs et que l’on met dans un coin sombre du grenier, le rouvrir, après le quatre vingt dixième anniversaire pour partager un moment funèbre, rend le service à café encore plus éclatant et plus froid. Il n’a jamais été déballé et n’a jamais partagé la moindre molécule de caféine chaude, même pas avec lui même. Il représente les durée des choses face aux choses éphémères.

   Il y a la vie « retranchée » qui câline la pénombre du soir et le givre du  silence.  Qui affectionne les interdits et les réprimandassions que certains de nous auraient prescrit, sur ordonnance pour nous. Quand  le soir advienne subitement, elle enchantera certainement nos  longues veillées de sagesse et de docilité. Elle fera de nous les « bons » jusqu’au bout. Un soir, nous serions pris subitement d’une quelconque méchanceté, d’une démence ou d’une éventuelle « Alzheimerité »…Ce soir là, les autres arrêteront de nous épier et de nous pourchasser pour toujours car ce soir là, ils seront tous déjà partis et nous serions, déjà restés seuls, depuis bien longtemps…

   Il y a la vie « virtuelle » où le « conditionnement  Pavlovien » nous fait  tomber foudroiement, en interaction avec : un écran « HD », une « DSL », un « clavier », une souris et un programme qui nous autorisent toutes les désillusions et toutes les aigreurs de la réelle solitude. La  présence de ceux qui nous entoure devient… virtuelle, elle aussi.
Pour la chaise, aussi vraie que réelle qu’elle soit ; il est impossible qu’elle conteste le moindre trouble obsessionnel du comportement car elle aussi, est en interaction…Elle supporte bien la lourdeur de nos jambes tendues, la rigidité des siennes, la dilatation de nos pupilles et la dissolution de nos fibres de carbone, dans nos hypothalamus fondant.

   Il y a la vie « SDF » , sans « GPS ». On n’est au milieu de nulle part…Sommes- nous dedans ? Sommes- nous dehors ? Rien ne nous permet la moindre situation que la seule gravitation qui attire quelque part toutes les clés conservées dans nos poches, par prudence… de peur qu’un jour on se retrouve devant « une porte » qui s’ouvre « derrière nous » ou une autre qui se referme « devant nous »…

     Il y a la vie « délabrée » qui vit derrières les remparts des autres vies et qui tombe en lambeaux noirs dans un évier bouché, sous un toit qui dégouline, dans une cafetière noircie, sur un matelas affaissé, imbibé d’humidité et la moisissure étalée en papier peint qui par-dessus tout, tente  d’attendrir et de raffiner nos entretiens que l’on conclue avec  quelques éternelles interrogations ; du genre : « Qui sait ? Peut être… demain… un jour ?... »
 
       Il y a la vie « incendiée », les braves  pompiers sont là. Ils tentent en vain d’éteindre et d’atteindre la consumation très lente des nos organes vitaux suicidaires, avec de l’eau potable du robinet…Nous avons atteint, déjà le stade de l’auto-immunité des grands brûlés, au troisième degré c à d le stade de « l’insensibilité et de l’auto- suppression.». …

   Il y a la vie « d’usurpation » que nous pouvons infliger à l’air que nous respirons, à la terre que nous foulons, à l’eau que nous buvons.
Sommes- nous donc rien que des maraudeurs qui nous nous pillons et qui devons éteindre à chaque tournant, les tisons de toutes les armes que nous retournons contre nous ?

     Il y a la vie « boueuse » où l’on peut s’enfoncer jusqu’au cou.
Où l’on peut patauger du matin, au soir sans risque de salir nos draps blanchis. Où l’on fabrique des silhouettes courbées qui se cassent, au séchage. Où l’on façonne des vases étrangleurs de fleurs.
Où l’on s’embrouille les yeux, la voix et les narines.
La vie boueuse peut nous sculpter des bustes qui dégoulinent lorsque la boue atteint son summum de fluidité et de porosité.  
 

     Il y a la vie de « paroles ». On doit recracher tous les mots dont on a user : pour trahir, pour tricher, pour balancer, pour calomnier, pour asservir, pour injurier, pour sous- estimer, pour réprimer, pour torturer, pour détruire, pour polluer, pour incendier, pour blesser, pour colporter, pour diviser, pour ensanglanter, pour abandonner, pour défigurer,pour scarifier, pour falsifier,  pour nuire, pour étouffer, pour chasser, pour assassiner…Des paroles, que seuls nous les hommes, chérissons et adorons nous faire subir les uns, les autres…

   Il y a la vie « obligée »…On est là ! Doit-on assumer ou déserter ?
Courir ou s’arrêter ?
Continuer ou abandonner ?
Rompre ou simuler ?
Affronter ou plaider la folie ?
Servir ou injurier ?
Dormir ou se lever ?
Lever la tête ou faire comme l’autruche lorsque le vent souffle de tous côtés ? Se mettre la tête à l’abri, dans le sable n’est guère à juger comme de la stupidité ou de la lâcheté mais c’est juste la meilleure grande évasion par la plus petite porte d’une plus  grande prison…  
 

    Il y a la vie  « au jour, le jour », sans trop de courrier pour vivre dans l’attente du postier, sans trop de bagages pour encombrer les lieux, sans trop  d’insomnies pour encombrer la nuit, sans trop d’amis pour nous encombrer de reproches, sans trop d’argent pour encombrer nos esprits, sans trop de chemins pour nous tromper de route…juste une vie frugale, avec l’unique promesse de survivre, jusqu’au lendemain, les yeux grands ouverts sur le soleil.

   Il y la vie de « promesses » que le bonheur ne cache pas.
Réaliser tous les rêves, toutes les ambitions, toutes les promesses n’est guère le meilleur raccourci pour s’arracher le bonheur.
Le bonheur est comme une femme qui peut subir, gentiment quelques  contradictions, un peu de mélancolie, quelques fâcheries et surtout de beaucoup de déceptions car la vie n’est autre que cette grande pièce théâtrale où les hommes mêlent, sans relâche : « comédie et tragédie »…  quand on aura essayé d’aller de l’avant car fatalement, il n’ y aura plus de  marche- arrière, alors avec  ce qui nous reste de notre innocence enfantine, de notre fatalisme concret ; le secret de polichinelle du bonheur ne peut que subsister et perdurer à grandir… dans l’unique et seule matrice du rêve, qui le fera naître encore et encore…  

 

Mansour yamina
Le 07/ 01/ 2014