Au cœur du wagon solitaire…Par Yamina Mansour
Hassi Bah Bah   Djelfa
Algérie



Son train s'est arrêté subitement, sans aucun signe précurseur, sans avertissement, ni mise en garde. Elle n'est pourtant qu'à sa première gare, en arrêt, tenant à la main son billet, sans échéance certaine.
Elle se rend compte, subitement qu'elle n'a même pas pris le temps de vérifier le bleu du ciel et le défilement du paysage qui à présent s'est figé, en une seule image en un arrêt, certain…

Désormais, elle est là, vivante dans la mort et morte, en vie.
Seule en elle, dans l'immensité implacable de la surprenante solitude. Absorbée dans un lit par un matelas qui lui cède sa part de chaleur et qui d'elle, ne ressent que la moitié droite de sa locomotive qui la maintient, implacablement sur un seul rail, elle ne se sent plus, elle n'est plus.

Le corps inerte, le regard hagard et dans la tête rasée, se loge ce petit malin et méchant butoir qui l'oblige à changer de direction, la squatte et se hasarde sur sa voie pour la neutraliser et la garder prisonnière de la première gare, solitaire depuis maintenant presque une année.

Qu'a-t-elle fait de mal se demande-elle. Ce n'est qu'un tournant de la mal chance sélectif et d'un hasard qui l'a mise sur sa voie ferrée qu'elle ne peut déjouer…

Hier, elle était comme tous ceux qui sont debout, autour d'elle sur deux jambes bien solides auxquelles elle ne prenait pas garde et ne faisait pas attention.
Qu'ont-ils qu'elle n'a pas?
Qu'ont-ils qu'elle a ?
Puis le train  piégeur l'embarque, en lui offrant à l'unique main, un sablier des temps oubliés.
Un  train qui a déjoué ses plans, ses rêves et son ultime conviction de parcourir l'itinéraire, sans détours, sans pannes et sans accidents…

Ceux qui sont autour d'elle, vivent dans leur train train de vie et poursuivent  leur voie.  Ils marchent, ils  mangent, ils s'amusent, ils rient et ils se procréent, aussi…Ils accomplissent leurs universaux biologiques, dans la grande solitude de certains passagers regroupés dans le dernier wagon qui se resserre comme un étau sur eux, jour après jour…

Que faire? Sinon cheminer encore, sur leur chemin de fer…

Pour elle:
Que lui importe leur compréhension et leur compassion…
Que lui importe le bleu du ciel et le chant de la pluie…
Que lui importe les calendriers, les jours et les années.
Il lui importe qu'un train puisse en cacher, un autre…
Il lui importe l'espoir impassible que l'on doit pour ceux que l'on oublie très vite…
Il lui importe que nous les attendions, enfin et malgré la longue et ennuyeuse distance, avec des fleurs, debout sur leurs deux jambes lorsque le dernier wagon aura marqué son ultime arrêt, après sa course infernale et se sera arrêté à sa prédestination, avec la joie d'une probable et miraculeuse bénédiction salutaire qui les remettra de nouveau, sur les bons rails …


Yamina Mansour
Le 03/ 02/ 2015